Entre Les Lignes

La revue littéraire du festival Terres de Paroles

PORTRAIT(S)

SHAKESPEARE(S)

Mélanie Leblanc

Fontaine-sous-Jouy, maison de bois au milieu d’un pré qui descend vers l’Eure. Mélanie Leblanc y habite en famille loin du bruit des villes, le potager et les poules, la rivière, les oiseaux et les animaux des bois à portée de regard. Professeure de littérature et de cinéma, elle enseigne au lycée Senghor d’Évreux.

Et elle écrit.

De la poésie.

La poésie, elle l’aime, elle en lit, beaucoup. Albane Gellé fut peut-être la première rencontrée et elle occupe une place particulière dans sa bibliothèque affective. On y trouve aussi, au gré des conversations, des entretiens qu’elle aime réaliser, des festivals, des lectures, au sein du CoPo – le prix de poésie porté par La Factorie – Rémi Checchetto, qui, comme elle, dit parfois de la poésie avec des musiciens, mais aussi Perrine Le Querrec, Marlène Tissot, Fabrice Caravaca, également éditeur au Dernier Télégramme, Alexis Pelletier, et bien entendu Cécile Guivarch dont nous reparlerons plus loin, sans compter tous ceux qui ne sont plus de ce monde…

La poésie, la sienne, elle l’écrit, n’importe quand, n’importe où, affichant cependant une prédilection pour le train, univers particulier de solitude au milieu du nombre et d’un paradoxe qui lui convient – immobile et en mouvement. Elle noircit sans relâche ses carnets non lignés qui forment un ensemble nommé simplement En train. Mais les textes, les siens et ceux des autres, elles les écrit aussi au marqueur noir sur des lustres en papier, sur les vitrines au marqueur à peinture, et même sur de jeunes potirons, par scarification. Quand il n’y a ni lustres, ni vitrines, ni potirons, tout support fait l’affaire, comme le papier, par exemple.

Elle s’adapte ou plutôt elle profite des petites fentes dans le bois tendre des journées et des nuits, elle s’y glisse sans bruit pour écrire.

Dire que Mélanie est dans la vie est un truisme, elle est la vie, avec en écharpe un immense sourire. Sur le blog poétique animé par Cécile Guivarch, lorsque Clara Regy lui demande quels mots elle pourrait associer au mot « poésie », elle répond :

« libre
voix, énergie, souffle
magie
explorer, découvrir
verbe, langue, mots
rythmes, sons
puissance, fragile
être, faire 
»

 

Riche énumération et ce n’est sans doute pas par hasard que le mot« faire » la clôt. En Grec, « faire » c’est « poïein », et « poésie » en découle en droite ligne. Il n’y a pas de hasard (à nouveau) car Poëin est aussi le nom d’une maison d’édition de livres pauvres, fabriqués en général à quatre mains, celles d’un poète mêlées à celle d’un artiste, et dirigée par Gérald Casteras ; des livres pauvres, elle en a d’ailleurs fabriqués pour l’ensemble de Daniel Leuwers, dans la collection « jamais », dirigée par Armand Dupuy.

Si elle écrit de diverses manières, Mélanie aime à disséminer – en dehors des luminaires, des vitrines et des potirons (bis). On peut lire ses textes dans les revues, comme N47, Recours au poème, Triages, Verso, Décharge, Ce qui reste, pour n’en citer que quelques unes. Elle est aussi une des auteurs de l’anthologie éditée à l’occasion des cinq ans du festival Poésie dans(e) la rue, chez Christophe Chomant.

Bientôt, chez Cheyne dans la collection grise, paraîtra Des falaises, une ode à la lisière nord de la Normandie, ourlet marin du paysage regardant l’Angleterre, chantant leur structure, leur place dans son patrimoine affectif, et surtout la source inépuisable d’images mentales, de pensées, sorte de miroir sans tain au travers et dans lequel se reflète la vie de l’écrivaine.

« jamais le cœur si grand
qu’en haut d’une falaise

la place pour qu’il s’étende
ouvre son ciel

plein soleil
plein vent

être à soi à l’autre
au monde

pleinement »

Enfin, dire que dans le cadre du festival Terres de Paroles 2016, Mélanie participe à Yvetôt, avec Dorothée Zumstein (Fauville-en-Caux), Pacôme Thiellement (Duclair) et Perrine Le Querrec (Vernon), à des balades poétiques dans quatre jardins de Normandie. Un hommage libre, unique, pour de petits groupes de spectateurs, inspirés par les plantes citées dans l’œuvre de Shakespeare.

Pour terminer sur l’image de la plante, disons que Mélanie est une variété de liseron, herbacée vivace qui vit dans les haies, dans les bois, dans les dunes, dans les champs, dans l’eau…et même dans les jardins de ville, au grand dam de leurs propriétaires scrupuleux. Ses tiges sont volubiles et s’enroulent sur les supports qui sont à sa portée. La poésie de Mélanie, c’est le liseron bleu, variété « cultivée » qui ne renie pas ses origines sauvages, le volubilis.

Une forme certaine de liberté ne renonçant à explorer aucune direction.

Dominique Panchèvre

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