Entre Les Lignes

La revue littéraire du festival Terres de Paroles

« C’est une petite révolution »

Entretien(s)

IMAGINAIRE(S) NUMÉRIQUE(S)

Adéle Pedrola 

Adèle Pedrola est autrice, éditrice. Elle collabore à la maison d’éditions L’Apprimerie où elle a publié un ouvrage pour les tout-petits, Et Si La Nuit qu’elle signe avec Douglace. Un livre numérique avec sons et images qui sera présenté lors du salon de lecture numérique jeunesse vendredi 15 et samedi 16 avril au Cadran à Evreux. Et Si La Nuit raconte ce moment où le jour laisse place à la nuit, où les bruits et les formes changent. Adèle Pedrola propose deux niveaux lectures, l’une réelle, l’autre, plus onirique.

Comment évolue l’offre du livre numérique aujourd’hui ?

Il existe aujourd’hui beaucoup d’applications. Aujourd’hui, l’offre est appelée à s’étendre. Depuis 2010, il existe des adaptations des versions papiers des livres. Au début, peu d’éditeurs sont allés vers le numérique. Ils voulaient voir ce que pouvait donner cette conversion des classiques au numérique. D’autres éditeurs ont pris des risques, exploré cet outil avec des propositions de plus en plus originales. A L’Apprimerie, il y a tout un travail pédagogique afin que le numérique ne desserve pas l’histoire. Je suis convaincue que le numérique a beaux jours devant lui même si le marché n’est pas encore économiquement stable.

Quelles sont les démarches éditoriales ?

Il y a des démarches éditoriales dans la grande majorité des maisons. Et on assiste à de belles propositions. A L’Apprimerie, nous avons commencé par créer des contenus numériques pour les adolescents. Pour eux, il y a une période délicate : celle durant laquelle il faut passer des livres illustrés aux livres sans images. C’est à ce moment-là qu’ils se détournent de la lecture. C’est une transition brutale pour eux. Nous avons des livres animés, interactifs. Par ailleurs, nous nous sommes posés la question de la diffusion. C’est pour cela que nous avons créé la Carte à lire, un service pour les parents qui ont besoin d’avoir des repères, des conseils. Avec ce service, nous sélectionnons les livres interactifs qui ont un vrai propos.

Existe-t-il une véritable attente de la part des lecteurs ?

Oui, il y a une attente. Il reste bien évidemment des réticences de la part de certaines personnes. Cependant, les familles sont de plus en plus équipées. Elles possèdent un ordinateur. Quelques-unes, des tablettes. Les enfants sont attirés par les écrans qu’utilisent leurs parents. De leur côté, les parents confient leurs écrans dans les situations d’attente, dans la voiture… Pour ces moments-là, ils attendent un contenu adapté, de qualité.

Qu’est-ce un bon livre numérique ?

A L’Apprimerie, les livres numériques sont illustrés, animés, sonorisés et interactifs. L’animation va dans le sens du texte, renforce un effet perceptible au fil de la lecture. C’est une ambiance, une immersion différente dans l’histoire. Pour créer cela, nous faisons appel à un designer sonore afin d’obtenir un contenu sur mesure.

Vous êtes aussi écrivain. Comment intégrez-vous les outils numériques dans le processus d’écriture ?

Cela demande tout d’abord d’avoir la connaissance des possibilités numériques afin de pouvoir tirer partie au maximum du son, de l’image, du mouvement. Aujourd’hui, nous sommes constamment en pleine recherche et développement. Pour les lecteurs, il est indispensable que ces possibilités nouvelles soient simples, faciles, fluides. Tout cela est une lente maturation. La prise en compte du numérique est importante mais nous ne sommes pas dans ce principe où prime la technique. A L’Apprimerie, nous discutons tout d’abord de la proposition éditoriale. Et celle-ci doit fonctionner pour tout le monde. C’est véritablement une évidence pour nous. Lorsque nous avons commencé à parler de mon livre, Et Si La Nuit, nous avions envie d’une histoire universelle courte qui s’adresse à tous les enfants, d’une histoire pleine d’émotions. Nous avons travaillé ces thèmes techniquement avec Douglace, l’illustrateur. C’est son premier livre numérique. Depuis longtemps, il avait envie de mener un tel projet. Ce fut un vrai challenge. Nous avons travaillé sur la manière dont les enfants pouvaient s’approprier l’histoire sans que leur imaginaire ne soit pas bloquée.

Est-ce que les outils numériques n’effacent pas justement une partie de l’imaginaire du lecteur ?

C’est un peu la question qui se pose pour tous les livres accompagnés d’illustrations, pour les adaptations d’histoires au théâtre ou au cinéma. Un livre numérique est une proposition dans laquelle le texte est toujours présent pour laisser libre cours à l’imagination.

Est-ce que le livre numérique est une révolution ou juste une évolution dans l’histoire littéraire ?

C’est une révolution qui reste une évolution. Le livre numérique accompagne ce changement de support, de format… C’est vrai, c’est tout de même une petite révolution qui ne remet certes pas en cause la version papier du livre. Ce n’est pas quelque chose de négatif. Ces petits chamboulements permettent de prendre des risques et fon naître des différentes façons d’exister.

 

Salon de lecture numérique jeunesse, vendredi 15 et samedi 16 avril de 14 heures à 18 heures au Cadran à Evreux.

Maryse Bunel

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