Entre Les Lignes

La revue littéraire du festival Terres de Paroles

PORTRAIT(S)

SHAKESPEARE(S)

Perrine Le Querrec

Le poète à propos de fleurs

Perrine Le Querrec partage son temps entre son métier de recherchiste, consistant à collecter de la documentation, et ses activités de romancière et de poète. Dans le cadre du festival Terres de Paroles, elle s’intéresse plus particulièrement à Shakespeare dont elle a, d’une part, rassemblé un florilège de citations liées aux jardins et d’autre part étudié les costumes utilisés dans ses pièces à l’époque élisabéthaine.

« Mon corps est un jardin… » À moins d’avoir un verre dans le nez ou de se sentir d’humeur particulièrement lyrique, on s’exprime rarement dans un langage aussi fleuri. C’est l’apanage de la poésie que de faire dire aux mots un peu plus que ce que nous en offre l’usage ordinaire. Ce pouvoir de la langue, Perrine Le Querrec y est très attentive. Peut-être parce que son métier qui consiste à travailler en bibliothèque en quête de documentation – pour le cinéma, pour l’édition, pour les musées – la confronte au jour le jour avec des textes de toutes sortes, issus d’époques très diverses.

Perrine Le Querrec est recherchiste. Le mot qui désigne son métier sent bon son origine québécoise. Relativement peu employé – même s’il existe depuis quelques années une formation pour devenir recherchiste –, on peut y voir une contraction des mots « chercheur » et « archiviste » ; ce qui correspond bien au travail de Perrine Le Querrec, laquelle se définit en riant comme « un rat de bibliothèque », non sans ajouter « mon métier nourrit ma propre expérience d’écrivain ». Car cette jeune femme est avant tout poète, c’est-à-dire attentive aux mots. « L’écriture est mon mode de communication, c’est mon bruit, ma parole », explique-t-elle.

Mais si elle est tant sensible au bruissement de la langue, c’est aussi parce qu’elle apprécie plus que tout le silence des bibliothèques. C’est la chance de ce métier qui lui permet de faire des pas de côté pour se concentrer sur cette chose étrange qu’est le mot. « Pour moi le mot est un matériau, un vertige, on peut le travailler à l’infini. » Il offre des combinaisons multiples comme on le voit avec le vers de Shakespeare cité plus haut.

Ce vers est un des éléments de la récolte récente effectuée par Perrine Le Querrec à l’occasion du festival Terres de Paroles. « Shakespeare emploie beaucoup de métaphores liées aux fleurs et aux jardins. J’ai donc recherché un certain nombre de citations en relation avec ce thème. Parallèlement je présente aussi une conférence sur les costumes dans le théâtre de Shakespeare. J’adore dresser des listes. J’ai fait en particulier un inventaire des toutes les pièces des costumes à l’époque élisabéthaine. Il y a beaucoup de mots qu’on n’utilise plus aujourd’hui, comme la « fraise » pour désigner la collerette ondulée que portaient les hommes ou le « vertugadin », ces bourrelets en bois qu’on plaçait au niveaux des hanches pour gonfler les robes. »

Perrine Le Querrec ne souhaite pas donner une conférence didactique, préférant au contraire conserver une dimension poétique. « Cela sera une forme très libre, parce que je veux qu’apparaisse la naïveté de ma découverte, livrer ce que j’ai déniché tel que je l’ai moi-même reçu. » C’est sans doute un des paradoxes majeurs de l’écriture poétique d’être à la fois travaillée et de suggérer un sentiment de spontanéité, de première fois. « Pour moi l’écriture passe par plusieurs étapes, confirme Perrine Le Querrec. Il y a l’expérience écrite puis il y a le moment où l’on ose le lire à voix haute ; sans autre auditeur que soi-même pour commencer, puis devant quelqu’un d’autre. Et enfin il y  a le moment où une autre personne va le lire. Un poème, c’est fait pour être prononcé, même murmuré – surtout pas déclamé. Le mot repose sur le souffle plus encore dans la poésie que dans la prose. La poésie a aussi par rapport à la prose une capacité à concentrer et dans une certaine mesure à cacher. De ce fait elle recèle une part de mystère dont on sait qu’il ne sera jamais entièrement élucidé. C’est aussi ce qui m’attire quand je lis des poètes comme Emilie Dickinson ou le Shakespeare des Sonnets. Non seulement on ne cesse de les redécouvrir, mais on sait qu’on n’en épuisera jamais la richesse. »

Hugues Le Tanneur

Partager cette page :